Été 2028 – Voyager en véhicule ultra léger – Partie 1
Cette année avec une amie, nous avons décidé de partir en vacances avec un véhicule ultra léger. Pour ceux qui ne le savent pas, le Véhicule Ultra Léger (VULL) est une nouvelle catégorie de véhicules dont les caractéristiques sont définies par la réglementation européenne mise en place au 1er janvier 2025.
« Cette nouvelle catégorie de véhicule a pour objectif de réduire la dépendance aux ressources et aux énergies fossiles de L’Europe dans le secteur du transport individuel. Ces voitures coûtent en effet beaucoup moins cher, elles sont moins énergivores et moins gourmandes en ressources que les voitures électriques ou thermiques de catégorie B. Ces véhicules sont bridés à 50 km/h et ne peuvent pas dépasser un poids à vide de 100 Kg PAR passager. Ils sont électriques ou hybrides (système de pédalier avec assistance électrique). »
Cet été, on part sur les routes allemandes pour une durée de trois semaines. Au début, on pensait partir en « road trip » avec une voiture classique, mais mon frère m’a suggéré de partir en VULL. D’après lui, le VULL permet à la fois de voyager confortablement et légèrement.
Mon frère est un fan inconditionnel de ce moyen de transport. Il fait tout avec : ses trajets du quotidien, ses déplacements pour le week-end et même ses voyages intercontinentaux ! Il y a plusieurs années, un peu avant que les véhicules ultra légers se démocratisent, il a participé à une course qui allait de Lyon à Canton en Chine. Il était parti avec un vélomobile solaire fabriqué par lui-même (le vélomobile est une sous-catégorie de VULL). Il a parcouru plus de 12000 km en moins de deux mois et sans apport électrique autre que celui fourni par ses panneaux solaires (1) !
On a décidé de louer le modèle LYCY 2© de la marque Turms. Il existe des modèles plus « high tech » avec plein d’options et un toit. D’autres modèles sont totalement électriques et n’ont pas de pédalier, mais on perd en autonomie (avec un système pédalier on gagne 1/3 d’autonomie en plus). On a choisi ce modèle parce qu’il est réputé pour son confort et son autonomie : si on pédale sans forcer, on peut faire 400 km avec à peine 4 unités de batteries de 10 kg chacune.
Voici quelques éléments trouvés sur leur site internet :
On a opté pour le modèle 2 places, sans panneau solaire. À la place, on a pris l’option Lezgoo©. Cette option nous évitera de perdre du temps à la recharge des batteries si elles sont vides en pleine journée. Avec ce système, il suffit d’échanger à une borne, une batterie vide par une pleine quand l’unité est déchargée. Depuis que l’Union européenne a standardisé les batteries des véhicules, le marché a beaucoup changé. La plupart des batteries sont maintenant consignées et on peut aller changer les unités vides contre des pleines à des stations en libre-service. C’est à peu près le même principe qu’avec les bouteilles de gaz.(2)
Voici le programme de ces trois semaines de voyages :
On a décidé de passer pas mal de temps en Allemagne. Les routes y sont beaucoup plus agréables à emprunter avec notre véhicule. Depuis que la limitation de vitesse a été réduite à 50 km/h sur les routes secondaires allemandes (à l’exception des voitures autonomes), il est beaucoup plus plaisant de se déplacer avec des VULL. Depuis cette loi, le nombre de déplacements en voiture classique a été réduit de plus d’un tiers en Allemagne. On voit aussi apparaître de nombreuses alternatives aux véhicule de catégorie B avec une explosion du nombre de véhicules ultra-légers. C’est même devenu le second mode de déplacement pour les trajets du quotidien chez les Allemands.
En France on n’en est pas encore là, le souvenir des gilets jaunes refroidit les pouvoirs publics concernant une modification de la législation des routes. L’un des principaux arguments contre un projet de loi similaire à l’Allemagne est le fait que cela accentue l’inégalité entre les populations en capacité d’acheter un véhicule autonome neuf (autorisé à rouler à 80 km/h, car sans danger pour le reste des usagers) et ceux obligés de rouler à 50 km/h. De plus, beaucoup de réfractaires au projet de loi considèrent qu’aller moins vite serait une régression parce qu’ils vont perdre du temps dans leur transport. À cela, une étude est sortie et a démontré qu’en moyenne chaque automobiliste ferait sept minutes de trajet en plus par jour (3). (Je crois que le smartphone aux toilettes a fait perdre bien plus de temps à nous tous et personne ne s’est plaint pour autant). Ce qui est vrai par contre, c’est que les habitants des campagnes vont être bien plus touchés par ce changement que les citadins.
Un autre argument qui expliquerait pourquoi l’Allemagne s’est permis de réduire la vitesse à 50 km/h sur les routes, c’est son réseau ferré. Le réseau ferré allemand est bien plus développé que celui de la France, ce qui rend les Allemands moins dépendants à la voiture. (4)
Ceux qui ont de très longues distances à faire chaque jour en voiture pourront toujours prendre les autoroutes ou les nationales. Pour ceux qui font des livraisons, des visites à domicile (comme les infirmiers) des aides financières peuvent être mises en place pour l’aide à l’achat d’une voiture autonome comme ce fut le cas en Allemagne.
Les aspects positifs d’un passage de 80 km/h à 50 km/h sur les routes secondaires sont nombreux : démocratisation des transports alternatifs à la voiture classique comme le vélo ou les VULL, moins de pollution atmosphérique, moins de consommation en électricité et/ou en énergies fossiles, diminution drastique du coût de transport, moins d’accidents, mois de tensions sur les routes, moins de bouchons, moins de bruit aux abords des axes routiers, dégradations de la chaussée moins importantes…
Je crois qu’en France on est particulièrement attaché à la voiture (surtout en campagne). La voiture ne répond pas seulement à un besoin, elle accompagne nos vies depuis notre majorité, avoir le permis et la liberté qui va avec est quelque chose d’important dans une vie. Tout le monde se souvient de sa première voiture. La voiture a façonné nos paysages, nos modes de vie, elle est devenue indispensable pour beaucoup. C’est un outil de liberté incroyable. Remettre en question la suprématie de la voiture sur les routes c’est presque rejeter quelqu’un de la famille pour certains Français.
J’ai prévu de vous tenir informés tout au long de notre périple au travers de ce blog. Peut-être que mon projet donnera l’envie à certains de partir de la même façon.
…
La suite de la perspective se trouve ici : Été 2028 – Voyager en véhicule ultra léger – Parie 2
Éléments du présent qui ont guidé cette perspective future
- On observe dans la société une prise de conscience de plus en plus grande d’un besoin de sobriété énergétique. Pourtant, en moyenne, le poids, les dimensions et la puissance des voitures continuent d’augmenter depuis plus de 50 ans alors que le taux d’occupation d’une voiture reste inférieur à 1,8 personne par voiture. (5) Le paradoxe entre le besoin de plus de sobriété énergétique et le paradigme d’une voiture toujours plus «performante» risque à l’avenir de disparaître, faisant émerger de nouvelles typologies de véhicules individuels plus légers et moins rapides, sans pour autant baisser le confort et la sécurité.
- La démocratisation de la voiture électrique va faire exploser les demandes en ressources nécessaires à la construction des batteries (Lithium, nickel, cobalt). Cela a plusieurs conséquences. Premièrement, la pollution liée à l’extraction de ces ressources est extrêmement polluante. Deuxièmement, si la demande mondiale explose, mais que l’extraction des ressources n’arrive pas à suivre, les prix des batteries et par conséquent des voitures électriques vont nettement augmenter. Troisièmement, d’un point de vue géostratégique, l’Europe risque de devenir dépendante des pays détenant les ressources nécessaires à la production de batteries. (6) Pour limiter les conséquences liées à la démocratisation des véhicules électriques, une des solutions serait de réduire la taille des batteries et par conséquent, les dimensions et la puissance des véhicules.
- Le coût de fonctionnement d’une voiture semble augmenter ces dernières années (7). Ce coût risque encore d’augmenter avec l’augmentation du prix de l’énergie. Pour que le plus grand nombre puisse profiter de la liberté offerte par la voiture, de nouvelles typologies de voiture, moins gourmande en énergie et en matière première vont probablement apparaître.
- Depuis quelques années, en réaction à « un mode de vie toujours plus effréné », un mouvement visant à ralentir le rythme voit le jour. (8) Cette nouvelle façon de vivre peut se développer à l’avenir et s’appliquer à la mobilité de loisir : prendre le temps de voyager et découvrir des paysages et des territoires que l’on traverse.
- Du fait des nombreuses nuisances provoquées par la voiture ( pollution, bruit, danger…), sa suprématie est de plus en plus contestée. Pour autant, dans les territoires peu densifiés, l’attachement à la voiture reste très fort, faute d’alternatives convaincantes dans le contexte actuel. La voiture reste pour beaucoup un objet de liberté et une nécessité au quotidien, la démocratisation de la voiture a façonné l’aménagement du territoire depuis plus de 50 ans permettant de désenclaver des territoires, mais rendant son usage presque indispensable par endroit : pour aller travailler, faire les courses, aller chez le médecin.
- On voit apparaître de plus en plus de véhicules individuels alternatifs à la voiture : trottinette électrique, vélo cargo… Ces véhicules correspondent à un besoin de sobriété énergétique dans les modes de déplacements. En revanche, ces véhicules sont principalement destinés à des déplacements urbains et de courtes distances. Il se pourrait que des alternatives pour des déplacements sur de plus grandes distances puissent voir le jour.
- L’apparition de la voiture autonome, en réduisant les erreurs humaines de conduite, peut avoir un impact sur la démocratisation de véhicules légers et vulnérables sur les routes.
Pour aller plus loin
Le véhicule ultra léger proposé dans cette fiction s’inspire des vélocars (ou vélomobile) apparus au début du 19e siècle. Ce vélo assis caréné à une bien meilleure pénétration dans l’air qu’un vélo classique, de ce fait il permet d’aller bien plus vite sur sol plat et en descente en comparaison au vélo. (Aujourd’hui les vélomobiles actuels peuvent dépasser les 80 km/h sur sol plat et sans assistance électrique.)
Après la Seconde Guerre mondiale et avec la démocratisation de la voiture, les vélocars ont presque disparu. Ils étaient bien moins pratiques qu’une voiture et compliqués à utiliser en montée.
Avec l’arrivée de batteries de plus en plus performantes et avec le besoin de sobriété énergétique, le vélocar électrique ne serait plus une contrainte dans les montées et pourrait de nouveau se démocratiser sur les routes.
A.L
(1) Nous faisons référence ici au sun trip challenge, une course en vélo solaire allant de Lyon à Canton en chine : https://www.thesuntrip.com/courses/the-sun-trip-2018/
(2) On retrouve ce principe pour les bouteilles de gaz dans les stations-service.
(3) Le calcul a été réalisé de cette façon : aujourd’hui une voiture réalise en moyenne 35 km par jour, on a considéré que ce chiffre diminuait en 2026 pour atteindre 25 km. 2/3 des trajets se font aujourd’hui sur route départementale : une voiture parcourrait donc (25×1/3) 16,5 km sur route départementale en 2026. Si on passe de 80 km/h à 50 km/h sur ces routes, une voiture mettrait en moyenne 7 minutes de plus par jour pour faire le même trajet. Si on avait gardé le chiffre de 35 km par jour, la différence aurait été de 10 minutes.
(4) En 2020, l’Allemagne est pourvue de plus de 40 000 km de voie ferrée alors que la France dont le territoire est 1,5 fois plus grand que l’Allemagne détient environ 30 000 km de voie ferrée.
Une partie de l’augmentation du poids de la voiture se justifie par une amélioration de la sécurité.
https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016
(7) https://pro.mobicoop.fr/combien-coute-en-moyenne-une-voiture-par-an/
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