2043 – viticulture : Vers un recours aux OGM ?

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Viticulture : Avancées et limites du modèle viticole français

Le 29/09/2043 par Paul Bacchus

 

 Comme beaucoup d’autres filières agricoles, la viticulture a dû remettre en question ses pratiques et faire preuve de résilience pour résister face aux changements climatiques. Le nouveau modèle viticole, prôné depuis plus de vingt ans, a permis à de nombreux vignobles de s’adapter. Il n’est cependant pas sans défauts, et se montre parfois insuffisant, notamment dans le sud de la France.

 

Retour sur les changements des pratiques viticoles au cours de ces vingt dernières années.

 

L’impact du réchauffement climatique sur la viticulture ne date pas d’hier. Les dernières décennies du XXe siècle ont vu apparaître les premières conséquences de la hausse des températures. Les vendanges sont devenues de plus en plus précoces, les sécheresses de plus en plus intenses. Le taux de sucre dans le raisin a connu une augmentation significative, qui a entraîné à son tour la hausse du taux d’alcool des vins. Printemps précoces et gelées tardive sont devenus monnaie courante. (1)

Pour pallier aux conséquences du réchauffement climatique, les viticulteurs ont dû se réinventer et modifier leurs pratiques.

Face à ces changements, les viticulteurs n’ont pas eu d’autre choix que de redoubler d’ingéniosité. La viticulture française a vu ses pratiques entièrement transformées par différentes mesures. 

  • La modification des cépages, par croisement, a notamment permis d’obtenir des vignes plus adaptées aux nouveaux climats avec une meilleure résistance aux maladies, aux températures élevées et à la sécheresse. Leur maturité a également été rendue plus tardive, leur raisin moins sucré et plus acide – les vins en sont devenus plus équilibrés et leur conservation plus facile.
  • La création de couverts végétaux – par exemple des semis de légumineuses entre les rangées de vignes – a créé un humus stable sur les sols des vignobles, et les a enrichis. Ce procédé conserve également l’humidité et la fraîcheur de la terre.
  • La plantation de haies (2) réduit le stress thermique des vignes en été et limite le risque des gelées tardives au printemps.
  • La législation concernant l’irrigation des vignes a été assouplie.
  • Les processus œnologiques ont été ajustés.

 

Même s’il était nécessaire de faire évoluer les pratiques pour résister au changement climatique, le ministère de l’Agriculture a connu quelques difficultés à faire accepter ces pratiques. On se souvient des débats enflammés provoqués par l’assouplissement de la législation concernant l’irrigation : beaucoup réclamaient l’interdiction de l’appellation d’origine contrôlée pour les vins issus de vignes arrosées artificiellement, et certains prétendirent même qu’on voyait avec ce « laxisme » la fin du modèle d’excellence viticole française.

Autrefois décriée pour son impact environnemental, la viticulture est aujourd’hui vertueuse pour l’environnement. La création de haies et de couverts végétale a permis de retrouver un peu de biodiversité, mais a surtout eu pour conséquence de participer à la captation du CO2 atmosphérique. La filière viticole française absorbe aujourd’hui plus de CO2 qu’elle n’en produit. L’utilisation de pesticides et d’engrais s’est effondrée entre les années 2020 et 2040. Les bénéfices environnementaux de la filière viticole sont maintenant un argument marketing auprès des consommateurs, devenus de plus en plus exigeant sur l’impact climatique de leurs modes de vie.

 

Publicité produite par l’association viticole française en 2031

La résilience observée par les viticulteurs a permis de garder, sinon d’améliorer, la quantité et la quantité de vin produites sur une grande partie du territoire Français, et ce malgré un contexte climatique de plus en plus difficile. Cette résilience a tout de même un coût : le prix moyen des bouteilles a connu une hausse extraordinaire au cours de ces vingt dernières années. Le vin français devient peu à peu un produit exclusivement de luxe. Au grand désarroi de la grande majorité de la population, contrainte de se tourner vers des vins étrangers plus abordables. Les chiffres de l’importation de vin étranger dans l’hexagone connaissent d’ailleurs une constante augmentation, depuis une quinzaine d’années. Dans le même temps, le volume de vin exporté diminue alors que le chiffre d’affaires à l’export continue de légèrement augmenter.

 

Émergence et disparition de territoires viticoles.

Tous les territoires viticoles ne sont pas égaux face aux changements climatiques. Tandis que certains territoires viticoles sont sur le point de disparaître, de nouveaux ont émergé. La Bretagne est certainement le plus célèbre d’entre eux : la production de raisin y a été multipliée par 10 en moins de 15 ans, au point de dépasser celle du Languedoc en 2036. La qualité est elle aussi au rendez-vous : la réputation de certains domaines viticoles bretons n’est plus à faire, alors même que leur exploitation n’a qu’une petite trentaine d’année.

Les régions viticoles du pourtour méditerranéen, bien moins chanceuses, subissent de plein fouet les effets du changement climatique :

Malgré quelques maigres exceptions, la viticulture du Languedoc vit une période noire depuis les années 2030. Cette décennie a commencé par un printemps extrêmement précoce suivi du gel d’une grande partie des vignes. On a relevé par endroit des températures supérieures à 20°C pendant plus d’une semaine au cours du mois de février 2030 –  avec une moyenne supérieure à 4°C par rapport aux normales de saison relevées au XXe siècle. Cet adoucissement a perturbé le cycle des vignes, et a inévitablement provoqué l’apparition des premiers bourgeons – apparitions précoces de plus d’un mois et demi – tandis qu’ils gelaient un mois plus tard à cause de très basses températures négatives. (3)

À la suite de cela, les vignes du pourtour méditerranéen, déjà fragilisées par un printemps compliqué, n’ont pas été mieux traitées par la saison estivale : un été caniculaire a donné lieu à un important stress hydrique et thermique. Certaines semaines se sont presque écoulées sans que les températures journalières ne descendent en dessous de 35°C ; il n’était pas rare de dépasser  les 40°C en milieu de journée, avec un record de 51,9°C à Vérargues, près de Montpellier, le 28 juillet 2030. Or, au-dessus de 35°C, la photosynthèse, indispensable à la production du raisin, diminue. Au-delà des 40°C, elle est quasi nulle.

Cette année-là a été catastrophique pour les vins méditerranéens. Malheureusement, elle n’a pas été la dernière, loin de là. L’année 2031 n’a été qu’à peine meilleure. Et si l’année 2032 s’est révélée plutôt correcte, l’espoir et le répit ne furent que de courte durée pour les viticulteurs du Languedoc : les années qui suivirent ne connurent aucune amélioration, bien au contraire.

Depuis quelques années, on assiste malheureusement à la lente disparition d’une grande partie des vins du sud de la France. Ce sont des savoir-faire et des paysages issus de milliers d’années de viticulture, ce sont des domaines viticoles d’excellences construits sur de nombreuses générations qui sont en train de se perdre. Pour vous donner un exemple, le terroir du Pic Saint-Loup a vu sa production divisée par plus de 5 en moins de 30 ans. « C’est une catastrophe », nous confie une viticultrice dont la famille est propriétaire d’un domaine viticole de ce pays depuis plus de 200 ans.

« On est passé d’une région exceptionnelle connue pour ces vins dans le monde entier à un territoire devenu incapable de produire quoi que se soit d’un point de vue qualitatif et quantitatif. »

Le constat est sans appel, aujourd’hui, la plupart des viticulteurs de la région sont devenus dépendants des aides de l’État pour subsister.

Le portrait que nous dressons de la viticulture dans le Sud est plutôt tragique, mais sommes-nous condamnés à voir disparaître le patrimoine viticole du pourtour méditerranéen ?

 

La technologie à la rescousse de la viticulture méditerranéenne

L’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) travaille depuis maintenant de nombreuses années sur la production de pied de vigne génétiquement modifié (OGM), spécialement adapté aux nouveaux climats Méditerranée. Selon certains, cette solution pourrait faire perdurer le savoir-faire et la tradition viticole dans le sud de la France. Delphine Puphluns, directrice de recherche à L’INRAE, ne cache pas son enthousiasme : pour elle, la solution se trouve dans les OGM.

«  L’Espagne a franchi le pas depuis de nombreuses années et l’Italie commence à s’y mettre : les résultats sont excellents !»

Elle affirme que l’Espagne, qui détenait l’un des plus grands vignobles du monde au début du siècle, ne produirait aujourd’hui presque plus rien sans l’utilisation des OGM. De plus, la qualité de la production semble également au rendez-vous : le monde entier s’arrache certains de ces vins « high-tech » espagnols.

L’entrepreneur français Paul Dubœuf est lui aussi persuadé que l’OGM est l’avenir de la viticulture dans le sud de la France. Il vient d’acheter plus de 40 hectares de terrain viticole dans la région de Saint-Chinian. Il n’attend plus que le feu vert des autorités pour planter des vignes OGM.

« Avec l’utilisation des OGM, la viticulture rentre dans la modernité ! il est possible de jouer sur de nombreux paramètres de la vigne et du raisin, c’est l’occasion de redécouvrir le vin, de créer des vins exceptionnels et proposer de nouvelles expériences aux amateurs. » Paul Duboeuf.

Selon lui, les vins issus d’organismes génétiquement modifiés ne vont pas concurrencer les vins traditionnels, la clientèle ne sera pas la même. Ces deux façons de concevoir le vin peuvent tout à fait cohabiter sur le territoire Français. Paul Duboeuf fait le pari de la viticulture OGM, bien moins cher à produire que les vins dits traditionnels, il souhaite par ce biais rendre également moins élitiste la consommation de vin français.

À n’en pas douter, l’utilisation de vigne génétiquement modifiée sur le sol français va faire couler beaucoup d’encre.

 

A.L

 


Notes est sources

(1) http://www.grec-sud.fr/wp-content/uploads/2019/02/INRA-La-vigne-le-vin-et-le-changement-climatique-en-France.pdf

(2) Depuis 2021, l’état français finance la plantation de haie bocagère et d’arbre intraparcellaire. https://agriculture.gouv.fr/francerelance-50-meu-pour-planter-7-000-km-de-haies-en-2-ans

(3) Le changement climatique ne provoque pas uniquement une augmentation globale de la température, elle provoque aussi une plus grande variation de température. Les climats deviennent plus instables.

 

 

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