12 juillet 2041 – Visite d’Animalium®
Quand j’étais petite, je passais une partie des vacances d’été chez mes grands-parents. Ils habitaient près d’un zoo et on y allait chaque année. Aujourd’hui, ce zoo n’existe plus. D’ailleurs, le dernier zoo de France a fermé depuis plus de dix ans. Jugés indignes pour la condition animale, ils ont été de plus en plus boudés par la population, ce qui a fini par provoquer leur disparition. Comparé à mon enfance, le rapport qu’entretient la société vis-à-vis des animaux a beaucoup changé. Petite, j’ai passé de bons moments avec mes grands-parents à visiter le zoo, mais c’est vrai qu’aujourd’hui je serais mal à l’aise d’aller voir des animaux sauvages enfermés dans des cages, si grandes soient-elles.
Cet été, avec ma petite fille, on n’ira donc pas au zoo, mais à Animalium®.
Selon la brochure, c’est un « parc animalier » où les animaux sont remplacés par des hologrammes animés. D’après ce qui est écrit, une intelligence artificielle a analysé des centaines d’heures d’enregistrements d’animaux dans leur environnement naturel pour les reproduire et rendre les hologrammes vraisemblables. J’ai regardé des vidéos sur internet et c’est impressionnant : les animaux se déplacent comme s’ils étaient vivants et leur comportement est proche de celui en milieu naturel. Dans les zoos d’autrefois, le comportement de beaucoup d’espèces était altéré par leur captivité. (1)
Animalium® est constitué de nombreuses salles proposant une grande diversité d’animaux. La visite du parc commence par la savane africaine. C’est l’occasion de faire découvrir à ma fille, les espèces exotiques qu’elle n’a vues qu’en photo ou vidéo. L’espace dans lequel nous entrons nous transporte dans une autre dimension. Les murs de la salle sont tapissés de paysages de la savane, le sol est recouvert d’une terre ocre sur laquelle sont présentes quelques plantes. À cela s’ajoutent des animaux en réalité augmentée. L’ambiance est vraiment surprenante, on est entourés par les animaux qui font leur vie sans se soucier de nous. Tout autour, se déplacent zèbres, girafes, éléphants…
La visite se poursuit au « fond de l’eau » où des centaines de poissons nagent dans les airs. Voir passer au-dessus de sa tête le plus grand mammifère au monde ne laisse personne indifférent. Cette façon de découvrir les animaux est intéressante, même s’il n’est pas possible d’interagir avec eux, cela nous donne l’impression d’être avec les animaux, et non séparés par une vitre ou une grille.
Quelques salles plus loin se trouve un espace dédié aux insectes. Contre toute attente, c’est l’un des espaces du parc qui m’a le plus touchée. Dans cette salle, plein d’hologrammes d’insectes volent autour de nous, des papillons, des abeilles, des coccinelles… Ça m’a rappelé mon enfance. Dans les jardins, à la belle saison, il y avait de nombreux insectes volants. Les espaces verts se remplissaient l’été de multiples papillons, c’était magnifique. On s’amusait à en attraper avec un filet. Aujourd’hui, on n’en voit malheureusement presque plus.
Sur une des branches installées dans la salle, deux hologrammes de scarabées à grosses pinces se battent. Je me souviens que petite, ces animaux me fascinaient. Avec mon frère, dans la forêt à côté de chez mes grands-parents, on allait capturer ces grands insectes pour les observer, la plupart du temps on les trouvait près d’arbres morts. Ça fait des années que je n’en ai plus vu.
La dernière salle de la visite est dédiée aux espèces disparues. Ma petite fille a vu pour la première fois un « orang-outan ». Anecdote amusante et triste à la fois : elle pensait que cet animal n’avait jamais existé, que c’était une créature imaginaire comme le yéti ou le bigfoot.
Cette salle est assez glaçante, voir toutes ces espèces mythiques disparues à jamais me met mal à l’aise. La technologie permettant l’apparition et l’animation des « animaux » autour de nous leur donne un aspect transparent, presque fantomatique.
Au bout de la salle, des archives de documentaires animaliers sont diffusées. Depuis le temps où ont été tournées ces images, la plupart des lieux ont été transformés par l’Homme. Beaucoup d’animaux présents sur les images n’existent plus en milieu naturel.
A.L
Éléments du présent qui ont guidé cette perspective future :
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Notre rapport aux animaux non domestiques est en cours d’évolution. Les cirques avec animaux, les delphinariums sont de plus en plus contestés (2). En septembre 2020 le gouvernement français a annoncé la fin progressive des animaux sauvages dans les cirques (3). Certains cirques ont alors remplacé les animaux sauvages par des hologrammes. (4)
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Depuis 2020, Google propose un service permettant de faire apparaître des animaux en réalité augmentée (5). Cette technologie permet entre autres de découvrir les traits physiques des animaux et leurs dimensions.
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Depuis juin 2021, le Muséum national d’Histoire naturelle de la ville de Paris propose de découvrir en réalité augmentée 11 animaux disparus. (6)
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Nous assistons à un effondrement du monde animal sauvage. (7) Cet effondrement concerne aussi bien les grands mammifères que les insectes. En trente ans, près de 80 % des insectes auraient disparu en Europe (8).
Sources:
(1) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01201810/file/C46Zecchini.pdf
https://voyagerloin.com/post/10-bonnes-raison-pas-se-rendre-delphinarium-ce-lon-cache
(4) https://www.france24.com/fr/france/20210210-cirque-quand-les-hologrammes-remplacent-les-animaux
(6) https://www.mnhn.fr/fr/revivre-les-animaux-disparus-en-realite-augmentee-0
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