Printemps 2023 – MAZDA MX-5

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Paul
61 ans
Restaurateur
Rencontré le 5 mai 2053 à Saint-Loup, Creuse

Un petit restaurant en bord de route. Une baie vitrée donnant une voiture de collection. Un gérant passionné de mécanique.

 

Ma MAZDA MX-5 c’est un souvenir de jeunesse, c’est l’une de mes premières voitures. Je sais, c’est peu commun comme premier achat de voiture, que voulez-vous, je suis un passionné.

Je l’ai acheté d’occasion dans les années 2010. Quand j’ai commencé à bosser, j’ai de suite mis de l’argent de côté pour me l’acheter. J’avais un bon salaire et elle ne valait pas tant que ça à l’époque. […] Dès que j’ai pu, j’ai cherché une Mazda MX-5 d’occasion et j’ai revendu ma vieille Peugeot, une 205. C’était la voiture offerte par mes parents après l’obtention de mon permis de conduire. J’étais un peu nostalgique de la revendre, c’était ma première voiture tout de même. Bon assis dans ma Mazda, je l’ai rapidement oublié (rire). […] Déjà à l’époque elle était tape à l’œil, mais je ne l’ai pas achetée pour ça. Non, je l’ai achetée parce que c’est une voiture qui me faisait rêver depuis longtemps. […] Petit, j’avais une maquette de ce modèle chez moi. Mon père me l’avait acheté dans une brocante. […]

À l’époque, je m’en servais tous les jours, j’étais tellement content de la conduire qu’il m’arrivait de la prendre pour aller à la boulangerie, elle était à moins d’un quart d’heure à pied de chez moi, mais qu’importe. Je prenais la voiture non pas par fainéantise, plutôt par plaisir. Vous vous en doutez, ce n’est plus le cas maintenant. Je la sors qu’à de rares occasions, heureusement d’ailleurs, vu le prix et la difficulté de se procurer de l’essence. […] Ça me fait un peu penser à l’appareil photo argentique. Ça remonte, mais quand l’appareil photo numérique est arrivé, la photo argentique a presque disparu au profit du numérique, évidemment, c’était bien plus pratique et économique. Pour autant la photo argentique n’a pas disparu. Elle s’est fait beaucoup plus rare, c’est tout.

Je le fais plus maintenant, mais plus jeune, de temps en temps, je continuais à prendre quelques photos en argentique. J’avais récupéré le vieil argentique que mes parents avaient abandonné dans un placard depuis longtemps. C’était plus cher et moins pratique, mais en vrai l’argentique c’est pas la même façon d’aborder la photo. Et il y avait peut-être aussi une forme de nostalgie, ça nous rappelait notre enfance et les livres photo pris pendant les vacances par les parents. Avec ma vieille MAZDA, c’est un peu pareil. C’est cher et peu pratique mais de temps en temps j’aime me promener avec. […]

Aujourd’hui la voiture que j’utilise est une Lucy-70. Malheureusement, vous ne la verrez pas ici, ma fille me l’a empruntée pour la journée. C’est une voiture conçue et fabriquée en France par une petite entreprise nantaise. Ils font de la moyenne série, c’est pas très abordable, mais ils font du très bon travail. En tant que passionné de voiture, je suis prêt à mettre un peu de sous dans un véhicule qui me passionne. […] En comparaison avec la MX-5, la Lucy-70 est trois fois moins lourde, peut-être même plus et elle ne peut pas atteindre les vitesses de la Mazda. Mais ne la sous-estimez pas, en vrai c’est une merveille. On sent que le constructeur s’est donné du mal pour faire quelque chose de bien. Elle est super confortable et techniquement, il n’y a rien à dire. En termes de sensations de conduite, elle a fait ses preuves, elle a une excellente accélération. Je suis sûre qu’elle passe de 0 à 70 bien plus vite que ma MX-5. Au-delà de 70 km/h c’est évidemment la Mazda qui gagne vu que la Lucy ne dépasse pas cette vitesse. À part ça, ma nouvelle voiture est quand même plus pratique et moins chère au quotidien. […]

La Mazda est un souvenir de jeunesse, mais en vrai, je ne sais pas si je suis vraiment nostalgique de l’époque des voitures du début du siècle. C’est clair que ça avait de la gueule de sortir avec une voiture comme celle-là, aujourd’hui encore d’ailleurs. Maintenant, ça paraît absurde de se déplacer dans un véhicule de plus d’une tonne et pouvant aller à 200 km/h, juste pour aller faire trois courses.

 

 


La voiture

Ça n’est pas une surprise, la voiture pollue. Beaucoup. En France, le transport routier est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre. Il est responsable de plus de 1/3 du CO2 émis par la France. On pourrait se dire que la disparition de la voiture thermique (essence & diésel) au profit de la voiture électrique est la solution idéale pour réduire drastiquement nos émissions de CO2. Ce n’est pas si simple. Si l’on recharge sa voiture électrique avec de l’électricité produite par une centrale à charbon, en fin de compte, notre voiture roule au charbon…

Aujourd’hui, en France, plus de 40 % de l’énergie consommée est de l’énergie fossile fortement émettrice de gaz à effet de serre (1). Remplacer toute l’énergie fossile que nous consommons par de l’électricité issue de ressources renouvelables (solaire, éolien, hydrolien, biomasse) ou nucléaire (énergie non renouvelable, mais peu émettrice de GES) n’est pas sans conséquences sur l’environnement. Même si le vent et le soleil nous apportent une énergie abondante, son exploitation à grande échelle pose des problèmes, l’exploitation de ses énergies artificialise les sols et nécessite beaucoup de matière première. Nous ne pouvons pas produire de l’électricité autant que nous le souhaitons au risque de se retrouver avec des champs d’éolienne à perte de vue et des milliers d’hectares accaparés pour y implanter des panneaux solaires.

Autre problème avec les voitures électriques, ce sont les batteries. Aujourd’hui, la batterie d’une petite voiture citadine pèse plus de 300 kg (2). Ces batteries nécessitent des matériaux dont l’extraction à de forts impacts environnementaux. Si les mines de lithium, cobalt et nickel, matière indispensable à la fabrication de batterie, se trouvaient proches de chez soi, on serait peut-être moins enthousiastes face au développement des véhicules électriques.

La solution la plus évidente concernant la voiture, c’est de s’en passer au maximum quand c’est possible. Une autre solution est de construire un nouvel imaginaire de la voiture. Construire des véhicules qui font plus d’une tonne et pouvant rouler à 200 km/h, ce n’est peut-être pas nécessaire pour aller chercher du pain à la boulangerie. Plus on réduit la taille, la vitesse et le poids du véhicule et moins on consomme d’énergie.

La transition écologique est peut-être l’occasion de repenser notre rapport à la vitesse, de ralentir. Les temps de trajets ne sont pas des temps perdus. Rouler moins vite en voiture ce n’est pas perdre son temps. Ces moments sont l’occasion de penser, d’écouter de la musique ou un podcast au calme, c’est découvrir des paysages que l’on traverse, les saisons qui passent, c’est prendre le temps de discuter avec les occupants de la voiture quand il y en a.

C’est facile à dire pour les citadins, mais dans les territoires peu densifiés, où les transports en commun ne passent pas ou peu, où l’on est complètement dépendant de la voiture et où l’on passe énormément de temps chaque jour dans la voiture, réduire la vitesse sur les routes semble avoir un impact significatif sur le temps passé chaque jour dans sa voiture. Le temps «perdu» n’est pas forcément si important que ce qu’on pourrait croire (3). De plus, les aspects positifs quant à la réduction de la limitation de vitesse sont nombreux, aller moins vite, c’est consommer moins d’énergie, c’est moins d’accidents, c’est réduire les tensions de la route… Rouler moins vite dans des plus petits véhicules c’est aussi faire des économies. Le temps «perdu» sur les routes est compensé par le temps perdu à gagner de l’argent pour financer la voiture.

 

(1) Bilan énergétique de la France | Chiffres clés de l’énergie – Édition 2021. Chiffres clés de l’énergie.  https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/6-bilan-energetique-de-la-france

(2) La batterie de la Renault Zoé fait par exemple 326 kg. Pour les berlines comme la Tesla modèle S, le poids de la batterie est compris entre 430 et 600 kg. À titre de comparaison, le poids total à vide d’une Citroën 2CV ne dépassait pas 575 kg.

(3) Si l’on passe d’une limitation de 90 à 70 km/h, cela va augmenter le temps de trajet de moins d’un quart d’heure pour les personnes passant une heure par jour dans leur voiture. Et ce en considérant que le véhicule roule constamment à la vitesse maximum autorisée. Si l’on prend en compte l’arrêt aux feux, aux stops, la limitation dans les villes ou ailleurs… La différence entre une limitation à 70 au lieu de 90 est bien plus faible.

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