Printemps 2053 – Loin
Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires, la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.
Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053
Penda
27 ans
Employée agricole
Rencontré le 7 mai 2053 à Peyrelevade, Corrèze
Fin de marché, les clients sont partis et les commerçants commencent à ranger leurs marchandises. J’arrive juste à temps pour acheter de quoi déjeuner ce midi. La femme qui me vend le fromage porte de grandes boucles d’oreilles dorées. Elles ont la forme de feuilles.
Le bijou que je porte est un Kwottenai, un bijou Peul. Mon mari et moi avons grandi au Mali à Djenné. Je ne m’en défais qu’à de rares occasions. C’est l’une des dernières choses qui me relie encore à ma terre natale. Sans mes Kwottenai, j’ai le sentiment d’abandonner une partie de mon identité et de ma famille. […]Comme beaucoup de mes semblables, nous avons été contraints de quitter le Mali pour rejoindre l’Europe. Ça n’a pas été une décision facile à prendre. Quitter le monde dans lequel on a grandi pour un avenir incertain n’est pas simple. […] Nous sommes arrivés en France avec mon mari et ma fille, il y a de cela une dizaine d’années. Ma fille était très jeune quand nous sommes partis. Elle devait avoir 5 ans tout au plus. […]Vivre était devenu impossible au pays. Parfois, il faisait tellement chaud que nous ne pouvions plus aller dehors, au risque de mourir. Là-bas, nous connaissons tous quelqu’un qui est mort de la chaleur. Me concernant, c’est mon oncle qui n’a pas supporté la canicule, il était âgé certes, cependant bien portant. Nous vivions dans une maison en terre crue, ce qui nous a préservés un minimum des dangers de la chaleur. […]Avec cela, les conditions de vie de plus en plus difficiles ont réveillé d’anciennes tensions entre les différentes populations maliennes. Entre les affrontements ethniques, les pénuries alimentaires, les sècheresses, les fortes chaleurs et j’en passe, nous n’avons pas eu le choix que de partir. Nous n’étions pas dupes, rejoindre l’Europe allait être plus que difficile et dangereux. Malgré cela, nous étions contraints de quitter le pays. En partant du Mali, l’on avait plus de chance de survivre. […]Le trajet jusqu’en Europe, je ne veux pas en parler. Je n’en parlerai jamais. […]Mon mari et moi essayons de reconstruire une vie ici. J’ai la chance d’avoir trouvé ce travail. Ça me permet de gagner ma vie et d’envoyer de quoi aider ma famille restée au Mali. Cet emploi me permet également de me changer les idées, quand je suis au travail je n’ai pas trop le temps de penser à mes problèmes. Les choses ne sont pas simples. J’ai encore beaucoup de famille restée au Mali. Je me sens coupable d’être loin d’eux. D’autant plus que les évènements se sont encore dégradés depuis notre départ. Je n’ai pas de nouvelles d’eux depuis plusieurs semaines. C’est difficile d’être ici, sans savoir réellement ce qu’il se passe là-bas. Je me sens totalement impuissante face à la situation. Porter ces boucles d’oreilles c’est l’un des moyens de rester près d’eux.
Des territoires inhabitables ?
Avec le réchauffement climatique, certains pays vont connaître une réduction de leur rendement agricole. De plus, l’augmentation démographique et la réduction de l’exportation agricole causée par une baisse de rendement à l’échelle mondiale risquent de faire exploser le nombre de famines.
L’évolution des précipitations correspond à une moyenne sur l’année. Les territoires qui vont voir une augmentation importante du niveau de précipitation annuelle peuvent connaître des périodes de sécheresse. Plus le réchauffement climatique augmente et plus les évolutions de précipitations vont s’accentuer.
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