Printemps 2053 – Drôle de vélo

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Lorenzo
46 ans
Enseignant
Rencontré le 31 mai 2053 à Trèbes, Aude

Tôt le matin, je m’installe à la terrasse d’un café pour prendre un petit déjeuner. Le soleil se lève à peine, l’air est encore frais et les rues sont presque vides. Malgré le peu de personne encore dehors en cette heure matinale, un cycliste, a visiblement eu la même idée que moi. Je lui propose de se joindre à moi pour partager le premier repas de la journée. Nous discutions longuement, le temps défile, la terrasse se remplit et l’air se réchauffe.

J’ai pris l’habitude de voyager seul en vélo. Je trouve que c’est la meilleure façon de voyager sans contrainte, ou presque. C’est ce que je recherche, je veux pouvoir me sentir libre, me perdre dans mes pensées au fil des paysages que je traverse, des odeurs ou des bruits qui passent. […] Je voyage seul par choix, je mène ma barque tranquillement comme ça. C’est plaisant d’être seul parfois. Mais vous savez, même si je voyage seul, je rencontre tout un tas de gens sur la route, en voici la preuve. […] Je ne sais pas vous, mais j’ai l’impression qu’à vélo on attire toujours de la sympathie. D’autant plus avec mon nouveau vélo qui est peu commun. […]
Là je n’ai que deux semaines de vacances, j’en profite pour voyager en France. Quand je peux, je préfère partir plus longtemps, ça me permet d’aller plus loin. L’an dernier je suis allé jusqu’en Grèce, j’y suis allé au début de l’automne pour éviter les chaleurs et la foule de touristes […] Mes voyages ne me coûtent pas grand-chose. En dépense, j’ai surtout les repas et le logement. Et encore, le logement, quand je peux, je plante la tente ou je loge chez des habitants qui m’accueillent. […]
Vous savez, je me suis pris de passion pour le vélo sur le tard. À la base je n’en suis pas un grand adepte. Ça demande un effort physique important quand on n’est pas très sportif et la posture n’est pas très agréable, surtout avec mes problèmes de dos. […] Comme tout le monde, j’en faisais petit parce que je n’avais pas d’autre moyen de transport, je prenais le vélo faute de mieux. Il y a aussi la question de la sécurité, partager la route avec les voitures, j’en ai un mauvais souvenir. J’ai grandi en campagne, pas très loin de Nantes. À l’époque, aucune piste cyclable, rien. J’allais au collège à vélo, je devais passer par des routes pas mal dangereuses, les grosses voitures qui doublent à ras, je peux vous dire, ça réveille le matin. Parfois, je passais en vélo par les trottoirs pour ne pas mourir sur la route. Je me faisais engueuler par les piétons mais au moins j’avais plus de chance de survivre (rire). […] Le collège n’était pas si loin que ça de la maison mais y aller à pied prenait quand même le douvle voir le triple de temps, je ne suis pas du matin, je préférais me lever le plus tard possible (rire). […] Après le collège j’ai passé le permis pour conduire un scooter, ça fait que je n’ai plus touché à un vélo pendant un long bout de temps. […]
Je me suis remis en selle quand des amis m’ont proposé de faire un voyage en vélo. Ils voulaient faire Nantes-Vichy à vélo. Ça fait 500 km de route environ. Ils sont beaucoup plus sportifs que moi et voyagent à vélo depuis des années. Initialement, je n’étais pas très motivé, ça n’a pas duré longtemps, ils ont fini par me convaincre. Il était évident qu’on allait bien se marrer, c’était aussi un défi sportif intéressant pour moi. Résultat : j’ai adoré l’expérience, j’appréhendais beaucoup mais le voyage a été bien différent de l’idée que je m’en faisais. Bon c’était quand même physique, mais moins que ce que je m’imaginais. On s’est aussi bien mangé la pluie dans la gueule et ça faisait mal au cul et au dos, mais ça vallait le coup. […] Ce qui fait vraiment la grosse différence par rapport à avant, c’est la sécurité ! Enfin on trouve de vraies bonnes pistes cyclables un peu partout. Et la réduction de la vitesse autorisée sur les routes a fait aussi beaucoup pour le vélo. Partager une route avec des voitures qui faisaient 90 km/h c’était vraiment désagréable. […]
L’année suivante, j’ai voulu retenter l’expérience, par contre seul et avec un vélo bien plus confortable.
J’ai donc choisi d’investir dans ce magnifique vélo. Avec ses trois roues et son siège à la place de la selle et son assistance électrique, il est bien différent d’un vélo classique mais ça reste un vélo. Je l’aime tellement que j’ai fini par m’en servir aussi pour mes déplacements du quotidien à Nantes. L’intérêt de cet engin c’est qu’il a tous les avantages du vélo classique sans les inconvénients. Ce n’est pas cher, ça va relativement vite et avec ça, on est assis confortablement et ce n’est pas trop physique. On ne transpire pas comme un phoque quand il fait un peu chaud.
Je peux vous le faire essayer après, vous verrez, on a l’impression d’être dans un transat. Je voulais une assise couchée parce que j’ai quelques douleurs au dos.  Sur une selle, avec un vélo classique, il m’arrivait d’avoir quelques douleurs quand je restais trop longtemps dessus. […] On peut trimbaler pas mal de choses avec la carriole accrochée derrière et le moteur électrique donne la sensation de ne rien porter, au contraire, elle nous donne la sensation d’avoir énormément de force dans les jambes, on pédale un peu et le vélo commence déjà à galoper. Bon l’inconvénient c’est qu’on se tape quand même le froid en hiver. Je peux vous assurer qu’on utilise moins l’assistance électrique quand il fait froid. On pédale comme un fou pour se réchauffer. […]
Avec ce type de vélo, l’assistance électrique est bridée à 50 km/h, en voyage je fais environ 200/250 km par jour sans me mettre la pression. […] Quelquefois, il m’arrive de dépasser les 400 voir 500 km en une journée, mais c’est rare. Dans ces cas-là, je pars tôt le matin et je m’arrête en début de soirée quand la lumière commence à tomber. […]
C’est la première fois que je voyage à vélo dans la région. Pour l’instant j’aime beaucoup l’endroit. Les paysages sont magnifiques et la gastronomie excellente. Je viens de découvrir la Tielle Sétoise, c’est top. Pourquoi on a pas ça dans le nord ? Par contre, on n’est pas encore en juin et il commence déjà à faire chaud. L’été, ça doit être invivable de faire du vélo dans la région. Même si beaucoup des routes du coin sont ombragées par les arbres, il doit faire une chaleur terrible !

 


 

Road trip à vélo

Qui ne s’est jamais fait klaxonner parce qu’il n’allait pas assez vite à vélo ? Qui n’a jamais eu peur en se faisant doubler de trop près par une voiture ou un camion ? Ceux qui pratiquent le vélo en dehors des agglomérations le savent, la route est le territoire des voitures, difficile d’y trouver sa place à vélo. L’hégémonie de la voiture individuelle est remise en question pour des raisons environnementales. Les mobilités douces, électriques ou non, sont parfois en mesure de remplacer la voiture dans les trajets du quotidien. Il est donc normal de permettre à cette mobilité douce de trouver sa place sur les routes accaparées depuis longtemps par les voitures. Au-delà de l’intérêt environnemental de la mobilité à vélo, c’est aussi un moyen de lutter contre les problèmes de santé liés à la sédentarité des personnes. Remplacer la voiture par le vélo permet également de rendre certains territoires plus agréables à vivre, en réduisant les dangers, le bruit et la pollution provoqués par la voiture.
Même si le chemin est encore long, le vélo est de plus en plus considéré sur les routes de France. Il se développe dans l’espace urbain, mais également hors des grandes villes. Les aménagements pour vélo et les circuits touristiques s’adaptent pour attirer un nouveau public (1).
Le vélo est un moyen de mobilité courte ou moyenne distance pour le quotidien, mais c’est aussi un mode de voyage en plein essor (2). Le marché du vélo se développe, de nouvelles exigences apparaissent et par conséquent, de nouveaux modèles de vélo voient le jour (3).
Et si le vélo devenait le symbole de la liberté et d’aventure comme l’a été la voiture au XXe siècle ?

 

(1) Le réseau cyclable en France – France Vélo Tourisme. (2022). https://www.francevelotourisme.com/conseils/preparer-mon-voyage-a-velo/reseau-cyclable-france

(2) Le réseau cyclable en France – France Vélo Tourisme. (2022). https://www.francevelotourisme.com/conseils/preparer-mon-voyage-a-velo/reseau-cyclable-france

(3) Union Sport & Cycle. (2021). Observatoire du cycle 2021 – Résultats.

 

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