Printemps 2053 – La nuit des étoiles

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Hélène
62 ans
Retraitée
Rencontré le 2 juin à Bram, Aude

En fin d’après midi, en cherchant un endroit pour planter ma tente pour la nuit, je rencontre Hélène qui me propose de m’installer sur son terrain. Je monte ma tente dans un grand jardin, entre des arbres fruitier. Elle me propose également de partager le diner avec elle et son marie. Nous partageons un repas sur la terrasse du jardin dans une ambiance chaleureuse. La nuit commence à tomber, l’air se rafraîchit enfin.

 

Vous avez de la chance c’est la nouvelle lune aujourd’hui. Vous allez voir, le ciel est magnifique la nuit. On voit incroyablement bien la Voie lactée. J’ai un télescope dans le jardin, si vous voulez, on ira voir les étoiles quand la nuit sera noire. Si je ne me trompe pas, on n’est pas loin de la nouvelle lune, le ciel promet d’être magnifique. […]. Dommage qu’il n’y ait pas ma fille, elle est passionnée d’astronomie, elle aurait pu vous montrer bien plus de choses que moi dans le ciel. Après, c’est peut-être pas si mal qu’elle ne soit pas là (rire). Elle peut vous parler pendant des heures des étoiles, c’est un vrai moulin à parole quand il s’agit de parler du ciel. C’est très intéressant seulement, au bout d’un moment on décroche. […]
Le télescope, c’est le sien, elle le laisse ici et vient de temps en temps pour observer les étoiles. […] Elle habite dans un appartement à Toulouse, vous comprenez, pour observer les étoiles c’est moins pratique. […]
À une époque, elle partait dans les Pyrénées tout le temps pour échapper à la pollution lumineuse. C’était le seul endroit à la ronde où la Voie lactée était visible. Depuis que les éclairages publics ont été considérablement réduit dans les villes et coupés ailleurs, on peut la voir depuis mon jardin. Notre fille nous rend plus souvent visite comme ça (rire). Voir la Voie lactée depuis son jardin, c’est une réelle chance. J’avais oublié qu’il y avait autant d’étoiles dans le ciel. Il y a plusieurs années maintenant, la route qui mène jusqu’a chez nous était continuellement éclairé la nuit. Puis la municipalité à décidé de couper l’éclairage plubic de minuit à 6 heure pour finalement arrêter complètement l’éclairage de la route. La route n’est pas très enprunté en journée donc la nuit, l’éclairage ne servait pas à grand chose. […] Au début, quand ils ont arrêté les éclairages publics la nuit et qu’on a redécouvert la Voie lactée dans le jardin, nous nous sommes mis à dormir de temps en temps à la belle étoile. Ça faisait des années que l’on n’avait pas fait ça. On a retrouvé les mêmes sensations que quand on faisait ça plus jeune. On vieillit néanmoins il y a des choses qui ne changent pas. […] J’ai installé un hamac entre le cerisier et l’amandier. J’ai dû couper quelques branches de l’amandier pour bien voir le ciel et aussi pour éviter de me prendre des amendes dans la gueule (rire). Si vous voulez, je vous prête mon hamac pour cette nuit. […]
La réduction de l’éclairage public, que ce soit pour la biodiversité ou pour l’astronomie, c’est une très bonne chose. Bon, je ne suis pas toujours aussi enthousiaste, maintenant c’est bientôt l’été et le soleil se couche tard. L’hiver, quand je rentre du boulot en vélo le soir, je deviens tout de suite plus nostalgique du temps où l’on y voyait quelque chose la nuit. […] Maintenant, j’ai arrêté de pester contre cette décision et je me suis adapté. J’ai investi dans un bon éclairage pour bien y voir. J’ai acheté une lampe frontale très puissante, peut-être trop même (rire). J’arrive à voir à plus de 100 mètres avec un faisceau très large. Le problème c’est que dès que je croise quelqu’un en face de moi sur la route, je l’aveugle. Je suis contraint de réduire la puissance de mon éclairage sinon il risque de finir dans le fossé (rire). […]
L’été, le bon côté de dormir dehors c’est qu’on a plus d’air que dans la chambre, on suffoque moins pendant les fortes chaleurs. Le seul problème c’est le soleil qui se lève tôt. On dort mieux, par contre on fait de plus petite nuit, on se réveille à l’heure des poules (rire).

 


 

La Voie lactée

L’éclairage public est une merveilleuse invention, grâce à lui, il est possible de balader dans les rues à n’importe quelle heure de la nuit, il apporte aussi un sentiment de sécurité. Mais comme chaque changement, il apporte aussi son lot d’inconvénient. La pollution lumineuse impacte fortement la biodiversité, c’est la deuxième cause d’extinction des insectes après les pesticides (1). Elle affecte également les mammifères, les oiseaux et la faune aquatique.

Un autre problème de l’éclairage public est sa consommation élevée d’électricité, représentant environ 40 % de la consommation électrique des communes et pouvant constituer plus de la moitié du budget électrique des communes rurales.

Évidemment, tout l’éclairage public ne va pas disparaître, mais il deviendra plus performant et sera réduit. Tout d’abord, le renouvellement de l’éclairage existant par des systèmes moins énergivores, plus directionnels et capables de varier l’intensité lumineuse en fonction de la présence de passants. Ensuite, dans certains endroits peu fréquentés, l’éclairage sera supprimé. Dans les petites communes, l’éclairage sera éteint pendant une partie de la nuit, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses petites villes.

 

 

 

(1) https://www.eure.gouv.fr/contenu/telechargement/11081/68653/file/pollution_lum_et_biodiv.pdf

(2) https://www.fonroche-lighting.com/fr/fra/le-mag/eclairage-public/eclairage-public-transition-solaire

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