Printemps 2053 – La radio de Thésée

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Nael
32 ans
Aubergiste
Rencontré le 10 mai 2053 à Tulle, Corrèze

Dans l’entrée d’une auberge, posée sur le comptoir, une vieille radio diffuse de la musique.

 

On n’en trouve plus des radios comme celle-ci. […] Quand j’étais petit, ma mère travaillait en tant que journaliste pour une grande chaîne de radio à Paris. Chaque jour, elle présentait le flash info de la soirée. Elle travaillait beaucoup et rentrait à Tulle que le weekend. Pour garder le contact pendant ces longues semaines passées sans elle, elle nous avait offert, à mon frère et moi, une petite radio à pile. Je l’ai nommé Lymaté, ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais absolument rien. Cela nous permettait d’écouter ma mère le soir quand elle était loin de nous. Son intervention passait à peu près au moment où nous allions dormir. Un peu avant l’heure de son passage, on allait se coucher et on allumait la radio pour s’endormir avec sa voix. Au lieu de raconter des histoires pour enfant, ma mère parlait souvent de crise sociale, climatique et tout un tas d’autres réjouissances. On était trop petit pour prendre conscience de ces problématiques. On devait surement être les seuls à apprécier entendre ma mère à la radio. (Rires) […]
Ça doit faire plus de 30 ans que j’ai cette radio, ma mère ne présente plus le journal depuis un bon moment, mais elle me sert encore aujourd’hui, j’y suis attaché, elle m’a accompagné pendant toutes ces années, je ne vais pas l’abandonner comme ça, la pauvre. C’est peut-être absurde, je sais, mais je me sentirais probablement coupable si je l’abandonne un jour. Elle n’est pas toute jeune, mais elle marche toujours très bien. Elle est déjà tombée en panne, plusieurs fois même. Il y a un atelier de réparation pas loin, l’atelier Phoenix, rue Jean Mermoz. J’y fais changer les pièces défectueuses. Parfois, il m’arrive aussi de demander à ce qu’on y apporte une amélioration. Ils font un excellent travail, c’est fait avec beaucoup d’attention. […] La dernière fois j’ai fait remplacer le hautparleur qui rendait l’âme, j’en ai aussi profité pour remplacer le système de piles par une batterie rechargeable. On en trouve plus des piles comme on en faisait à l’époque.

 


 

Réparation

« Si ma machine à laver tombe en panne, la réparer coûte souvent plus cher que d’en acheter une neuve. De plus, si elle est tombée en panne c’est qu’elle n’est plus au top, elle sera sûrement de nouveau défectueuse dans peu de temps. Autant en acheter une neuve. Les machines neuves consomment moins d’eau et moins d’électricité donc autant la changer pour une machine sortie d’usine. Je ferais des économies et c’est bon pour la planète. »
Aujourd’hui, tous les arguments semblent nous inciter à acheter une machine neuve plutôt que de réparer l’ancienne. Pourtant, pour réduire notre pression sur l’environnement, il est nécessaire de réparer plutôt que jeter, pour ce faire, il est nécessaire qu’à l’avenir, il soit plus avantageux de réparer ses machines plutôt qu’en acheter de nouvelles : réparer doit être plus facile et doit couter moins cher que d’acheter un nouveau modèle. Autre chose, faire le choix d’acheter une nouvelle machine plus efficient plutôt que de réparer l’ancienne a très souvent un impact environnemental bien plus important que si l’on avait réparé l’ancienne. Il ne faut pas prendre en compte uniquement l’impact environnemental d’un produit lors de son utilisation, mais prendre également en compte l’impact de sa fabrication et son recyclage ou sa destruction.
Dans un futur proche, espérons-le, la plupart des objets défectueux ou obsolète seront réparés, voire améliorés au lieu d’être jetés. Les objets de notre quotidien nous accompagneront plus longtemps dans nos vies, notre relation à eux va très probablement changer. Nous y serons sûrement bien plus attachés que ça ne l’est aujourd’hui. Peut-être irons-nous jusqu’à leur donner un nom ? Le développement de l’écoconception (1) et l’ouverture d’ateliers de réparation permettra la création d’emplois locaux tout en diminuant la pollution et la surconsommation. Les objets non réparables ou trop endommagés seront conçus pour être facilement recyclables.

 

(1) Selon l’ADEM, l’écoconception est une démarche qui permet de réduire les impacts négatifs du produit, service ou bâtiment sur l’environnement sur l’ensemble de son cycle de vie (ACV), tout en conservant ses qualités d’usage.

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