Printemps 2053 – Les bruits de la ville

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires, la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Marie
82 ans
Retraitée
Rencontré le 24 mai 2053 à Montpellier, Hérault

Tôt le matin, je m’arrête dans une boulangerie pour m’acheter une viennoiserie. À la sortie, je range mon petit déjeuner dans une de mes sacoches de vélo quand une femme d’un certain âge m’aborde. Curieuse, elle me questionne sur mon voyage, d’où je viens, où je vais…, rapidement, elle me propose de venir prendre le petit déjeuner chez elle pour continuer la discussion. Peu de temps après, je me retrouve sur un balcon donnant sur une avenue vivante et arborée. Je partage un déjeuner plus que copieux avec Marie, une femme attachante, espiègle et bavarde. 

 

Depuis que je suis à la retraite, je profite pleinement de mon appartement. J’y vis pourtant depuis plus de 30 ans mais je ne m’en lasse pas. J’y suis tellement bien que je n’y sors presque plus (rire). Je dis ça sur le ton de la blague, cependant ce n’est pas tout à fait faux. […] Ne vous inquiétez pas pour moi, je vois du monde, enfin, c’est le monde qui vient à moi. J’invite toujours plein d’amis chez moi, je suis de nature sociale. Je ne vous aurais sûrement pas invité chez moi si ce n’était pas le cas (rire). […]
L’avenue est toujours en effervescences, j’aime prendre mon petit déjeuner sur le balcon et voir tout ce beau monde s’agiter. Il y a un collège juste à côté, le matin je vois les enfants se retrouver avant d’aller en classe. Juste avant 9 h, j’assiste à la migration du grand troupeau d’enfants se rendant au collège. Il y a toujours quelques retardataires qui travaillent leur cardio. C’est souvent les mêmes têtes que je vois courir pour ne pas être en retard (rire). […] Petit, nous nous moquions des vieux qui passaient l’ensemble de la journée à observer les passants. Nous les imaginions commères, s’ennuyant à longueur de temps. Les jeunes doivent se dire la même chose en me voyant assis chaque matin ici (rire). Mais moi, je ne m’ennuie pas sur mon balcon, j’aime prendre le temps, je profite de la vie qui m’entoure. […]
Ils ont planté des arbres il y a une dizaine d’années. Maintenant ils ont assez poussé pour que l’appartement soit aujourd’hui sous le feuillage. Au printemps et en été, on se retrouve dans la canopée. À cette période, je dors la majeure partie du temps les fenêtres ouvertes. Il fait souvent si chaud, c’est le seul moyen d’avoir un courant d’air frais et de pouvoir dormir. Le matin on est réveillé par le soleil, le chant des oiseaux et l’odeur de la végétation, c’est extra. Le petit déjeuner sur le balcon, je le passe entouré d’oiseaux et parfois il m’arrive de croiser un écureuil. Pourquoi aller à la campagne quand la nature se mêle à la ville ?

 


 

 La ville en métamorphose

Oiseaux, papillons, abeilles, écureuil… La biodiversité se développe en ville :  La végétalisation urbaine est en progression, avec des changements dans l’aménagement des espaces et une évolution dans l’entretien des zones vertes (1) ; des aménagements spécifiques pour la faune voient le jour avec l’installation d’hôtels à insectes, de ruches et de nichoirs pour favoriser la présence d’oiseaux et de chauves-souris… Petit à petit, nous voyons réapparaître une biodiversité disparue du monde urbain. Ce changement de regard sur l’aménagement de la ville commence à transformer l’atmosphère des quartiers. Les paysages, les odeurs, les bruits se métamorphosent.
Laisser au vivant non humain une part plus importante dans la ville à de nombreux atouts face au changement climatique. La présence de végétation et tout particulièrement la présence de grands arbres permet de créer des points d’ombres et d’éviter les îlots de chaleur (2). Il fera moins chaud dans une ville végétalisée, les canicules seront moins difficiles à vivre et moins mortelles (3). Les chiens ne se brûleront plus les pattes sur le béton, les enfants ne prendront plus de coups de soleil dans les espaces de jeu.
Le développement de la biodiversité urbaine a également d’autres atouts. Certains végétaux ont la capacité de purifier l’air, les chauves-souris mangent les moustiques, les faucons régulent la présence de pigeons, les fouines chassent les rats…  La présence de la biodiversité en ville au travers de potager partagé par exemple est source d’éducation et renforce les liens sociaux.

 

(1) https://www.lagazettedescommunes.com/823534/un-pas-de-plus-dans-la-gestion-ecologique-des-espaces-verts/

(2) En été, le soleil tape sur les sols, les murs et les toitures des maisons. Ces surfaces absorbent la chaleur du soleil, ce qui fait augmenter la température de la ville. La nuit, l’air est réchauffé par ces surfaces chauffées toute la journée, on étouffe. L’ombre des arbres diminue ce phénomène. L’évaporation de l’eau provoquée par la photosynthèse des arbres permet aussi de refroidir l’air des villes.

(3) En doublant la surface végétale des villes, on pourrait réduire de 1/3 la mortalité liée aux canicules urbaines. The lancet. (2023). Cooling cities through urban green infrastructure : a health impact assessment of European cities.

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