Printemps 2053 – Les Papous

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Alexandra
65 ans
Retraité
Rencontré le 28 mai 2053 à Béziers, Hérault

Dans un parc, je me pose sur un banc sous les arbres à l’abri du soleil. Je profite de ce moment pour lire un peu. Au cours de ma lecture, une femme se pose à côté de moi. Après quelques chapitres, je referme mon livre. En voyant la couverture, elle engage la conversation. Elle reconnaît le livre, « Jeu blanc » de Richard Wagamese, l’ayant lu il y a longtemps. Elle en avait été profondément touchée. De fil en aiguille, elle me propose de prendre le thé chez elle. Je me retrouve dans un grand salon en pierre blanche dans laquelle se trouve une immense bibliothèque.

 

Ce sont mes grands-parents qui m’ont donné le goût pour l’anthropologie. Enfin, en quelque sorte.
Quand j’étais petite, mes parents et moi allions manger chez eux chaque dimanche. Les repas étaient interminables. Pour un enfant, rester assis longtemps à écouter les adultes parler c’est très compliqué. À force de faire n’importe quoi à table, les adultes finissaient par m’autoriser à quitter la quitter. Il n’y avait pas la télé chez mes grands-parents, en revanche il y avait une immense bibliothèque. Faute de mieux pour m’occuper, j’ouvrais les livres pour voir ce qu’il y avait d’intéressant dedans. […] Il y avait tout plein de BD, j’ai lu je ne sais combien de fois les Astérix ou les Tintin présents dans la bibliothèque de mes grands-parents. J’en ai passé des dimanches là-bas, donc j’en ai vite eu marre de lire pour la 15e fois Tintin et l’oreille cassée. J’ai fini par m’intéresser aux autres livres que je ne connaissais pas. Parmi eux il y avait un livre d’images sur les Papous, ça m’a fasciné. Ma passion pour l’ethnologie vient de là. C’est probablement à la lecture de ce livre que j’ai commencé à me rendre compte qu’il y avait d’autres façons d’habiter le monde. […]
Si vous regardez bien, il y a ce fameux livre dans ma bibliothèque. Ma grand-mère me l’a offert après l’obtention de ma licence d’étude en anthropologie. Il y a aussi tout un tas de BD dans la bibliothèque, c’est pour mes petits enfants quand ils viendront me voir. […] Mon fils a deux enfants, toutefois ils sont encore trop petits pour lire. Il va falloir attendre quelques années. […]
J’ai fait des études d’anthropologie et d’ethnologie à l’université, mais, comme beaucoup, je n’en ai pas fait mon métier. Il n’y a pas grand monde qui recherche quelqu’un diplômé dans le domaine. J’ai eu énormément de mal à trouver un emploi à la sortie de mes études, ça a été compliqué mais j’ai fini par trouver, non sans peine. […]
Même si ma formation d’ethnologue n’a pas été d’un grand intérêt dans ma carrière professionnelle, je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix de formation. Ces études ont participé à construire mon regard sur le monde. La diversité et la richesse des cultures humaines sont bouleversantes, son ingéniosité lui a permis de s’étendre sur l’ensemble de la planète, elle a su développer une diversité de culture fascinante, c’est sans commune mesure par rapport aux autres espèces. […]
À l’université, j’ai réellement pris conscience à quel point les diverses façons d’être humain et d’habiter le monde s’étaient effondrées avec le temps. La richesse des cultures avait déjà été fragilisée par les colonisations. Ensuite la volonté de « civiliser » et « d’apporter le progrès » n’a pas arrangé les choses. Pour achever le travail, le réchauffement climatique, la surexploitation des ressources et la mondialisation ont ajouté une pression sur les populations autochtones qui n’aient pas besoin de ça.

 


 

La fin de mondes

 Le dérèglement climatique, la surexploitation des ressources et la destruction des milieux naturels impactent de façon plus importante les populations profondément liées à leur territoire. Les peuples indigènes (1) sont constitués d’environ 476 millions de personnes réparties sur l’ensemble des continents (2). Aucune de ces populations n’est ou ne sera épargnée par la montée des eaux, la fonte des glaces, la chute de biodiversité ou la spoliation de territoires. C’est la diversité des cultures humaines qui s’effondre sous nos yeux.

Territoires dans lesquels des communautés indigènes sont très vulnérable aux changements climatiques et à la surexploitation des ressources naturels

(1) Indigène : Qui appartient à une population et une culture implantées dans un pays avant sa colonisation.
(2) Indigenous Peoples. (s. d.). World Bank.
https://www.worldbank.org/en/topic/indigenouspeoples

 

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