Printemps 2053 – Mon bateau

Au printemps 2053, j’ai entrepris un voyage à vélo à travers la France, parcourant plus de 1000 km sur 6 semaines. Mon but était simple : rencontrer au hasard de mon chemin des inconnus et recueillir leurs histoires. Chacun de nous a des récits personnels qui révèlent bien plus qu’ils ne le laissent paraître. Ces histoires reflètent notre époque, nos territoires,  la complexité et la tendresse des relations humaines. À travers ce projet sur les routes de France, j’ai souhaité capter des témoignages de notre société. Voici l’un d’entre eux.

Pour en savoir plus sur le projet Printemps 2053


Naelle,
59 ans
Conseillère d’orientation
Rencontré le 19 mai 2053 à Mende

Un garage ouvert : des cordages, des voiles, des sacs étanches… Il déborde de matériel destiné au bateau à voile. Une personne s’affaire à trier et ranger.

 

Demain je pars à Montpellier, enfin à côté, à la Grande Motte. J’ai un bateau là-bas, un voilier de 11 mètres. Je l’ai depuis des années, je l’ai acheté une bagatelle, par contre, énormément de travaux à réaliser avant de pouvoir naviguer avec, il m’a fallu des années pour le remettre à flot. Un sacré chantier ! […] Je reste à la Grande Motte toute la semaine, je ne sais pas où vous avez prévu d’aller après, si vous passez dans le coin, on pourra faire un tour sur la bête. […]
Pendant longtemps, je partais chaque weekend à la Grande Motte pour faire des travaux dessus. Je partais le vendredi soir, je travaillais tout le weekend à le restaurer et je retournais à Mende le dimanche soir. Ça me prenait mon temps, mon énergie et mon argent. Sans la passion je n’aurais jamais fait tout ça. […]
Je ne sais pas d’où vient cette passion pour la navigation, mes parents n’ont jamais fait de bateau de leur vie, et j’ai grandi loin de la mer. Une passion, ça ne s’explique pas toujours. Déjà petit, je fantasmais le voyage en voilier, je lisais beaucoup de choses sur le sujet. Pour moi, c’était le symbole de liberté ultime, c’était pouvoir voyager dans le monde entier, sans frontière et sans être dépendant de carburants. […] C’est drôle, j’étais déjà passionné sans avoir jamais fait de bateau de ma vie. Dès que j’ai pu, j’ai pris des cours de navigation, ça ne m’a pas déçu, loin de là. Souvent quand on fantasme quelque chose, on se construit tout un imaginaire incroyable. Quand on réalise ce fantasme, on est déçu. Tout un monde fantastique se prend le mur de la réalité. Concernant la voile ça n’a pas été le cas. […]
Je ne sais pas si vous avez déjà voyagé en voilier, c’est une aventure de partir en mer. Se retrouver la nuit avec la mer comme unique horizon, c’est quelque chose !  […]
Pendant un temps, j’ai hésité à revendre mon bateau, à contrecœur, on a vécu tellement de choses ensemble. J’ai vécu plus d’émotions avec ce bateau qu’avec certaines de mes relations amoureuses (rire). Enfin bon, les allers-retours chaque week-ends étaient trop fatiguants et me coûtaient trop cher. Imaginez, le port est à plus de 150 km d’ici en voiture, je faisais 300 km chaque week-end. La plupart du temps, j’avais du matériel à ramener pour les réparations du bateau, donc faire du covoiturage ou prendre le train n’était pas envisageable. Finalement, j’ai réussi à négocier avec mon entreprise, je fais de plus grosses journées, comme ça je peux prendre une semaine de congé payé par mois. Au lieu d’aller tous les weekends sur le bateau, j’y vais une fois par mois et j’y passe la semaine entière.

 


 

Partir moins souvent, mais plus longtemps

Prendre l’air à la montagne le temps d’un weekend, rendre visite à ses parents, passer deux ou trois jours à Strasbourg pour visiter le marché de Noël… Pour sauver l’humanité, doit-on arrêter de voyager et passer l’ensemble de ses weekends enfermé chez soi ? Évidemment, non. Ici aussi des solutions peu contraignantes existent. Quand c’est possible, il est préférable de prendre le train au lieu de la voiture ou faire du covoiturage par exemple. Le monde du travail a également un rôle à jouer pour permettre à chacun de voyager plus sobrement. Quand cela est possible, adapter le rythme de travail peut permettre à ceux qui ont les moyens de partir plusieurs jours à Strasbourg en prenant le train plutôt que d’y aller en avion pour avoir le temps de profiter de la ville le temps d’un weekend.

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